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mercredi 14 septembre 2011

Crise de la dette - Autopsie d'une crise qui peut achever la zone euro


Crise de la dette - Autopsie d'une crise qui peut achever la zone euro
La Grèce peut-elle faire faillite ?
C'est la question qui fait trembler les marchés. Ce scénario s'est renforcé après que les inspecteurs de la troïka (Commission européenne, Banque centrale, FMI) ont interrompu précipitamment leur mission d'évaluation à Athènes au début du mois de septembre. Le gouvernement socialiste de Georges Papandréou ne remplit pas les objectifs de réduction des déficits qu'il s'était fixés pour 2011, au point que le bureau du Budget de l'État, un organisme chargé d'informer le Parlement grec, a jugé la dette (qui devrait dépasser 160 % du PIB à la fin de l'année) "hors de contrôle". De quoi faire réfléchir à deux fois l'Union européenne et le FMI avant le versement de la sixième tranche - 8 milliards d'euros - du premier plan de sauvetage mis sur pied en mai 2010. Sans cet argent, Athènes pourrait rapidement se déclarer en défaut de paiement.
Et même si cette aide devait être débloquée, la Grèce pourrait finir étranglée par le poids de sa dette. Car, au lieu d'améliorer la situation, l'austérité ne fait qu'aggraver la chute du PIB. Les rentrées fiscales, déjà plombées par la fraude, ne cessent de chuter. Selon de nombreux économistes, la seule solution pour redonner de l'oxygène au pays serait de restructurer la dette plus énergiquement que ne le prévoit le plan européen du 21 juillet dernier. La perte infligée aux investisseurs privés (aux banques principalement) se limite pour l'instant à 21 % de la valeur de leurs obligations. C'est sans doute encore insuffisant pour casser l'effet "boule de neige de la dette".
La Grèce peut-elle sortir de la zone euro ?
Le tabou a été brisé par les Pays-Bas. Le ministre néerlandais des Finances, Jan Kees de Jager, l'a signifié sans ménagement jeudi dernier : "Si un pays ne souhaite pas satisfaire aux exigences [de la zone euro], alors, il n'y a pas d'autre option que de la quitter." La Commission européenne a aussitôt répliqué qu'"aucune sortie ou expulsion de la zone euro n'est possible d'après le traité de Lisbonne. La participation à la zone euro est irrévocable." Mais on voit mal comment l'Union européenne pourrait s'opposer à un pays qui voudrait sortir unilatéralement de la monnaie unique.
Quelles seraient les conséquences d'une sortie de la zone euro pour la Grèce ?
Les effets bénéfiques d'une dévaluation monétaire liée au retour à la drachme pourraient être compensés par l'explosion du poids de la dette libellée en euros. Athènes ne pourrait plus rembourser et se retrouverait de fait exclue des marchés financiers et contrainte à monétiser sa dette. Avec le risque d'une inflation forte et durable.
Les banques européennes courent-elles un risque ?
Un défaut de paiement de la Grèce n'est pas un événement suffisant pour provoquer l'effondrement des banques, car leur exposition est assez limitée. Mais le Crédit agricole et la Société générale pourraient aussi avoir à subir des pertes de leur filiale hellène respective Emporiki et Geniki, fortement dépendantes de la performance économique du pays.
La situation pourrait encore se corser en cas de contagion. Les marchés seraient tentés de vendre leurs obligations portugaises, irlandaises, et même espagnoles et italiennes, ce qui pourrait déclencher d'autres défauts en cascade, dans une prophétie autoréalisatrice : plus les investisseurs vendent leurs obligations souveraines, plus ils rendent la dette souveraine insoutenable.
Existe-t-il un risque pour les économies des particuliers ?
A priori non. L'État garantit les dépôts des épargnants dans la limite de 100 000 euros par établissement. Mais cela ne veut pas dire qu'une banque ne peut pas faire faillite, comme en témoigne le dépôt de bilan, en 2008, de Lehman Brothers, la banque d'affaires américaine qui a menacé de faire s'effondrer le système financier des pays occidentaux. 
Mais les autorités ont retenu la leçon. Beaucoup de banques sont maintenant considérées comme "too big to fail". En cas de panique des épargnants français qui chercheraient à récupérer leur argent, l'État pourrait ramener la confiance en apportant sa garantie ou en renflouant directement l'établissement concerné. Au cas où celui-ci ne pourrait plus se financer sur les marchés, l'État pourrait aussi apporter sa garantie, ce qui suffit le plus souvent à ramener l'argent.
L'économie risque-t-elle de ne plus être financée ? 
Sous-capitalisées, les banques devraient alors couper leurs crédits à l'économie. Les PME seraient les premières touchées. C'est bien ce que craint la directrice générale du FMI. Christine Lagarde a appelé plusieurs fois à recapitaliser les banques européennes : "Nous voyons cela comme une menace pour la croissance. Les économies ont besoin de croissance. Pour qu'il y ait croissance, il faut des crédits", a-t-elle déclaré, mardi, dans une interview au Wall Street Journal.
Faut-il nationaliser les banques ?
Le débat est lancé en France. Certains pensent que l'État devrait profiter de la baisse du cours des banques pour se les offrir. Cela permettrait d'éviter qu'elles ne passent sous contrôle étranger. Mais cela alourdirait du même coup la dette de l'État. Pas sûr qu'il en ait les moyens, alors que la note AAA de la France est sous étroite surveillance des marchés. D'autant que rien ne dit que l'État est un bon gestionnaire d'établissement financier. Michel Sapin, ancien ministre de l'Économie socialiste et soutien de François Hollande, n'y est pas favorable. "Cela veut dire : puisque les banques perdent ou risquent de perdre de l'argent, alors on va nationaliser. C'est typiquement la nationalisation des pertes et, quand ça va bien, la privatisation des profits", a-t-il raillé sur Europe 1. En revanche, le candidat socialiste à la primaire ainsi que Martine Aubry plaident pour une prise de participation de l'État au capital des institutions financières. Ségolène Royal veut carrément leur "interdire de spéculer".
Les pays émergents peuvent-ils sauver l'Europe ?
Les grands pays émergents du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), qui accumulent des réserves de change grâce à leurs exportations, discuteront la semaine prochaine de la possibilité de venir en aide à l'Union européenne, selon le ministre brésilien des Finances Guido Mantega. La piste est suffisamment intéressante pour que Christine Lagarde les appelle à aller au bout de leur projet. Mais les rachats d'obligations pourraient se limiter aux pays jugés les plus solides, comme l'Allemagne ou la Grande-Bretagne.
Vers des euro-obligations ?
Selon le correspondant de Libération à Bruxelles, Jean Quatremer, la chancelière Angela Merkel a expliqué qu'elle était prête à accepter la création d'obligations européennes au cours d'une réunion à huis clos avec les dirigeants de son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU). Il s'agirait d'un retournement complet de situation. Jusqu'à présent, Berlin refusait la solution qui consiste à mutualiser la dette européenne. Un saut fédéral qui consisterait concrètement à ce que l'Allemagne - et, dans une moindre mesure, les autres pays encore notés AAA, dont la France - garantisse les dettes des partenaires européens du Sud. Le risque encouru par les banques allemandes dans ces pays pourrait être un argument-choc pour vendre un projet auquel l'opinion publique allemande est pour l'heure majoritairement hostile.

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