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dimanche 11 septembre 2011

11 Septembre : "J'aurais préféré mourir là-bas"

11 Septembre : "J'aurais préféré mourir là-bas"


Deux Boeing qui percutent de plein fouet le World Trade Center. Les tours jumelles, symbole de la grandeur américaine, qui s'effondrent. Des personnes qui sautent par les fenêtres plutôt que de mourir brûlées. Dix ans plus tard, ces terribles images ravivent encore le souvenir intact de la plus grave tragédie de ce début de XXIe siècle. Mais au-delà des explosions, des flammes et de la détresse, a-t-on parlé du destin brisé de ces 50 000 personnes fidèles au poste de bon matin le 11 septembre 2001 ? Se souvient-on de l'incroyable aventure humaine qui a permis à ces hommes et à ces femmes de sauver leur vie et de se reconstruire ? Directeur d'une société de vente d'informations au 47e étage de la tour n° 1, le Français Bruno Dellinger* raconte au simosyg.blogspot.com une tout autre histoire du 11 Septembre. 
 Qu'évoque chez vous cette date du 11 septembre ?
Bruno Dellinger : J'ai l'impression que ça s'est passé hier. Or, dix ans plus tard, on n'a rien appris. Les causes islamistes prétendument défendues ont reculé. Quant à nous, vu l'horreur de cette journée, on aurait dû commencer par réfléchir sur ce qui a poussé des personnes à monter cette machine infernale. On ne l'a pas fait. Pour moi, le 11 Septembre est un gâchis épouvantable, car, en plus des 3 000 morts, des dizaines de milliers de vies ont basculé. Je parle bien sûr des familles des victimes et des rescapés, que l'on considère aujourd'hui comme des chanceux, mais on n'a pas eu de chance du tout. Pendant des mois et des années, j'aurais préféré être mort là-bas. Le 11 Septembre a créé un traumatisme très profond, épouvantablement douloureux.
Quels sont les premiers souvenirs qui vous reviennent à l'esprit quand on évoque le 11 Septembre ? 
Tout d'abord, le rugissement des réacteurs du premier avion avant qu'il ne frappe la tour au-dessus de moi. On n'entend jamais un réacteur d'avion en pleine puissance en vol. Ce bruit strident résonne encore dans mon esprit. Puis lorsque la première tour (n° 2) s'est écroulée, la merveilleuse journée ensoleillée que nous vivions est devenue, en l'espace de quelques secondes, plus noire qu'une nuit. En quelques instants, la tonitruante vie new-yorkaise a été plus silencieuse que la mort. L'air était si épais qu'il ne vibrait plus. Lorsque j'ai été happé par ce véritable monstre, mon corps et mon esprit étaient persuadés que j'étais mort. Ils l'ont cru encore pendant des années.
Parlez-nous de la première explosion.
L'avion a percuté la tour une cinquantaine d'étages au-dessus de ma tête. J'ai dit à mes employés de partir, tandis que je suis resté encore un quart d'heure pour effectuer des sauvegardes informatiques... qui n'ont donc servi à rien. En sortant du bureau, les employés d'une agence bancaire voisine ont pris un escalier différent du mien, que l'on nous avait pourtant appris à emprunter en cas d'urgence. Ils sont morts. Il y avait trois files dans l'escalier. Ceux qui, comme moi, descendaient. Les grands blessés, qui étaient évacués en urgence, et tous les pompiers et policiers harnachés qui montaient. Il faisait une chaleur torride, mélangée à l'odeur du kérosène, le scintillement des lumières et le son des sirènes. Mais il ne régnait aucune panique. Les gens conversaient, plaisantaient ou pestaient parfois. Surtout quand on a appris l'attaque sur la tour n° 2 par SMS. C'est là que l'on s'est rendu compte qu'il s'agissait d'un attentat. J'ai mis une cinquantaine de minutes pour arriver en bas.
C'est là que la tour n° 2, pourtant la seconde à avoir été touchée, s'effondre ?
Elle s'est écroulée vingt secondes après que je suis sorti de la tour n° 1. Chaque seconde qui a suivi m'a paru durer une éternité. Cela m'a permis de me rappeler qu'une agence bancaire à une cinquantaine de mètres des tours comportait des piliers où je pouvais me réfugier. C'est là que le monstre est arrivé. Une énormité de tentacules de verre, d'acier, de débris de façade, de poussière, précédée d'un énorme souffle, comme un train arrivant à pleine vitesse. J'ai posé ma main sur ma bouche pour continuer à respirer. Quand la lumière est revenue, un agent du FBI à l'intérieur de la banque m'a tiré dans l'établissement et j'ai pu enfin respirer. J'essayais de cracher tout ce que j'avais avalé, car cette cendre était épouvantable. Elle était partout, dans mes poumons, mes yeux, mes oreilles, mes dents. Plusieurs de mes amis en meurent aujourd'hui.
Avez-vous bénéficié d'aides pour relancer votre société ? 
Pas du tout, bien au contraire. De nombreuses personnes ont essayé de profiter de ma situation de faiblesse pour mettre la main sur mon business. Nous, petites entreprises, ne recevions aucune aide en raison de nos chiffres d'affaires relativement modestes. Le matin du 11 septembre, j'avais une boîte que j'avais mis dix ans à construire. L'après-midi du 11, je n'avais plus rien, et des clients à payer.
Que pensez-vous de la théorie du complot qui a prospéré ?
Condoleezza Rice a bien admis qu'effectivement l'administration était au courant d'un certain nombre d'éléments et qu'elle n'avait pas réussi à rassembler les pièces du puzzle. Cela montre qu'il y a eu des dysfonctionnements dans le renseignement américain. Mais de là à dire que les services américains ou alliés ont provoqué cette histoire, c'est tout bonnement ridicule. C'est méconnaître profondément la manière dont l'Amérique fonctionne. Il y aura toujours aux États-Unis des fuites et des contre-pouvoirs. Toutes ces personnes qui montent des complots veulent uniquement se rendre intéressantes en utilisant la crédulité des gens. Un grand nombre de spécialistes défendent d'ailleurs la thèse inverse et affirment que c'était tout simplement un attentat bien pensé, mais cela ne fait pas recette.

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